Critique : Au Revoir Là-Haut ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️




Au revoir là-haut est une comédie dramatique française réalisée par Albert Dupontel en 2017. 
Il s’agit de l’adaptation du roman éponyme écrit par Pierre Lemaitre, vainqueur du prix Goncourt en 2013.

Pour nous raconter cette histoire, Albert Dupontel nous fait voyager dans le temps.
Au début du film, on se retrouve au Maroc en 1920 dans un commissariat où Albert Maillard (Albert Dupontel), ancien soldat de la 1ère guerre mondiale, est interrogé par la police française. Pendant l’interrogatoire, Albert Maillard nous livre ses longs souvenirs sur l’après -guerre et sur sa vie à Paris.
Son récit sera le fil conducteur de toute l’histoire. 

Maillard décrit les différentes péripéties qu’il a eu avec Edouard Péricourt (Nahuel Pérez Biscayart), jeune soldat issu d’une famille bourgeoise au talent artistique certain.
La guerre a clairement bouleversé leur vie. Albert a perdu sa femme et son travail alors qu’Edouard s’est fait mutiler le visage à cause d’un éclat d’obus. Edouard, ayant renié sa famille fortunée et plus particulièrement son père, survit grâce à l’aide d’Albert. Leurs malheurs sont le plus souvent liés au terrible lieutenant Pradelle (Laurent Laffite) qui les poursuivra tout au long de l’histoire. Ces deux délaissés de la société vont finalement décider de se venger en arnaquant les acheteurs des monuments aux morts grâce au talent artistique d’Edouard. Plusieurs thèmes se dégagent de ce film. Il y a la relation délicate père/fils, une critique profonde sur la société d’après guerre, les responsables de la guerre et ceux qui ont profité de la situation. Le film met aussi en lumière toutes les personnes délaissées et la cruauté des humains en général. D’un point de vue objectif, on pourrait croire que c’est un film très noir et déprimant mais ce n’est pas le cas. La force du film réside dans le fait qu’il soit à la fois sombre mais également drôle et décalé. Par ailleurs, le scénario général semble relativement classique mais c’est tout le décor, la mise en scène, les personnages hauts en couleur, le rythme du film, le contraste sombre/drôle et les problèmes de fond soulevés par Dupontel qui rendent le film vraiment intéressant.

La mise en scène est vraiment soignée à chaque scène. 
Ils sont peu en France, à avoir su réaliser des scènes de la 1ère guerre mondiale comme l’a pu faire Albert Dupontel. Il y a un plan séquence au début du film où on voit un chien errer sur le champ de bataille. La caméra démarre de très haut, fixée sur le chien pour ensuite le suivre pas à pas, pour atteindre quasiment le sol et finalement le voir arriver à l’intérieur de la tranchée. C’est vraiment un régal pour les yeux. Il y a également la scène d’affrontement des français contre les allemands sur le no man’s land. L’association de la bande sonore avec la séquence vidéo donne un rendu à couper le souffle. Que ce soit le moment où les obus retentissent intensément dans les oreilles d’une manière totalement immersive ou le moment où Maillard se retrouve coincé sous la terre avec un cheval à moitié mort, c’est une vraie leçon de mise en scène. La reconstitution du Paris de l’époque est également bien faite avec des décors appropriés au contexte. Plus impressionnant encore, le travail méticuleux de l’équipe technique du film sur chaque plan. Rien que pour l’aspect technique, ce film doit être vu.

Malgré la beauté artistique du film, l’oeuvre est vraiment imprégnée d’une vraie noirceur.
Le personnage qui en est la principale source est le lieutenant Pradelle, joué par Laurent Lafitte. 
Le début de tous les malheurs des personnages principaux provient de ce « petit diable » humain. 
La scène où on le découvre est l’exemple parfait pour montrer cet aspect sombre du film. 
On retrouve le personnage dans une pièce privée d'une tranchée. 
La salle est plongée dans l’obscurité et on ne peut qu’apercevoir sa silhouette. Et puis, d’un rire diabolique, on découvre le charismatique personnage aux multiples vices. 
Alors qu’il est lieutenant durant la première guerre mondiale et que l’armistice est proche, il décide volontairement de bombarder le camp ennemi allemand. S’en suit alors la défiguration d’Edouard. 
Laurent Lafitte joue à merveille ce personnage qui semble charmant à première vue mais ce n’est qu’une façade. En vérité, il trompe sa femme, utilise la corruption dans tous les sens et profite de la guerre pour faire des trafics de tombes. Un sinistre personnage. Durant le film, il trompe tout le monde et s’en sort toujours ou presque…Ce côté macabre du film se répercute sur d’autres personnages. Albert Maillard, pourtant très juste depuis le début du film, commence à transgresser toutes les règles. Il y a une scène assez choquante où on le voit agresser des « gueules cassées »  afin de leur subtiliser de la morphine. Edouard en avait grand besoin. Par la suite, Maillard continue sa « rébellion » et va travailler secrètement pour le père d’Edouard afin de voler des centaines de milliers de francs. 

Dupontel a vraiment réussi à jongler avec l’aspect très sombre du film où l’on voit les personnages vivre des choses atroces et également avec un aspect plus coloré, décalé représenté par le personnage essentiel du film : Edouard. Frappé de plein fouet par un obus au niveau de la bouche, le jeune Edouard n’a plus envie de vivre et de s‘exposer au monde extérieur. Seul dans une sorte de grange, il décide de se construire des masques très extravagants pour cacher sa blessure de guerre. Tous les plans effectués avec ses grands yeux et ses masques sont très marquants. 
Interprété par le surprenant argentin Nahuel Pérez Biscayart, ce personnage est une source d’inspiration infinie pour Albert Dupontel qui nous offre des passages vraiment fantastiques.
Il y a une scène où Edouard nous présente tous ces « nouveaux » masques et certains plans sont très surprenants. Il devient vraiment le personnage que le masque représente. On a l’exemple du masque du vieil homme, celui en forme de lion ou encore ce masque à la couleur blanche munie d’une petite bouche modifiable. S’il est heureux il la tourne dans un sens et s’il est mécontent, il la tourne dans l’autre. Ces scènes d’art vivant sont vraiment perturbantes. La caméra joue avec les mouvements d’Edouard, avec ses yeux, avec ses danses parfois. Au fur et à mesure du film, Edouard passe de masques où l’on voit ses yeux et son front à des masques lui recouvrant entièrement la tête. Cela montre l’évolution du personnage. Il se protège de plus en plus et se transforme presque en intégralité comme on peut le voir à la fin avec le magnifique costume d’oiseau bleu. Au delà de l’art, Edouard est la représentation même de la liberté. Il a choisi cette vie. Il a résisté à son père et a quitté son foyer pour aller à la guerre. Edouard représente aussi la liberté d’expression. On peut parler de la fameuse scène à l’hôtel Lutetia dans lequel Edouard organise une grande fête pour, entre autres, se moquer des criminels de guerre. Edouard crée des masques à têtes humaines pour pouvoir humilier ces affreux personnages en leur lançant du champagne ou des gâteaux dans la figure. La scène est surréaliste, à l’image du film qui ne cesse de nous surprendre. En résumé, on peut dire qu'avec une mise en scène appliquée, des personnages originaux et une histoire touchante, ce Au revoir là haut ne vous décevra pas. Par contre, si vous n’aimez pas l’humour noir, les critiques sur l’histoire de France ou les critiques sociétales en général, ce film pourrait peut être vous déplaire. 

Note : 5/5

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