Critique : Jusqu'à la garde ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️





Jusqu'à la garde est un thriller réalisé par Xavier Legrand en 2017. Au casting, nous retrouvons notamment Léa Drucker et Denis Ménochet.

Synopsis : Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Miriam en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père qu’elle considère bafoué. Pris en otage entre ses parents, Julien va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive.

Dans l'industrie du cinéma, peu de films ont traité sérieusement des sujets compliqués comme la garde alternée et la façon dont les enfants peuvent le vivre dans ces conditions. En France, on préfère plutôt réaliser des comédies "bankable" comme Papa ou maman ou Sous le même toit afin de prendre aucun risque niveau rentabilité. Jusqu'à la garde est loin d'être une comédie française mais s'inscrit plutôt dans la catégorie de film "ovni". En effet, en disposant de peu de moyens, le film a su nous proposer un contenu simple et réaliste, un format de plus en plus rare en France et qui doit être soutenu par les grandes instances du cinéma français. 


Les enfants : dommages collatéraux des divorces


On commence le film avec une scène très importante. Nous sommes dans une salle avec la présidente du jury, les parents du petit Julien (11 ans) et leurs avocats respectifs.
Chacun leur tour, les avocats vont défendre leur client, nous permettant ainsi d'avoir deux versions différentes de la situation de leur fils. En effet, ce dernier a demandé une audience afin d'exprimer son refus de revoir son père. On commence donc le film en ne sachant pas qui est la victime, qui ment ? Est-ce la mère (Léa Drucker) qui veut écarter définitivement son ex mari de sa vie et veut lui en faire baver ? Ou bien est-ce le père (Denis Ménochet), homme très violent, qui rend la vie de cette famille invivable? Finalement, la présidente du jury va permettre au père de voir son fils un week end sur deux.
Ce film est vraiment une réussite en tous points. On peut débuter l'analyse par la construction de l'histoire. Le fil rouge choisi par le réalisateur est vraiment bon. Jusqu'à la garde arrive à monter crescendo en tension tout en montrant à l'écran que cette tension est déjà présente depuis des années chez les protagonistes. 
Spoil : Dès les premiers instants du film, on voit que la mère, Miriam, et le jeune Julien sont terrorisés par Antoine Besson, le père. Au fur et à mesure, on comprend qu'il est totalement instable et qu'il n'arrive toujours pas à digérer ce divorce. La personne qui va en souffrir le plus est leur fils.  Les seuls moments de bonheur qu'il vit sont les scènes à l'appartement de sa mère ou la fête d'anniversaire de sa soeur. Sinon, le reste du film est un véritable cauchemar pour lui et c'est également éprouvant pour le spectateur qui regarde.


Un film éprouvant 


Concernant l'aspect technique, la réalisation est au service du scénario et c'est diablement efficace. 
Jusqu'à la garde est le prototype du film "nature" et "authentique" qui filme ce qu'il doit être filmé, sans fioriture.
Certes, le déroulement du film peut paraître lent par moment mais le réalisateur s'est assuré de ne pas faire de plan inutile. En effet, Xavier Legrand n'a pas fait les choses à moitié pour son premier long métrage en réalisant un film éprouvant dans lequel la tension est palpable à chaque instant. Bien entendu, la personne au centre de ce thriller est le jeune enfant, Julien, qui doit subir de lourdes pressions tout au long du film.
En effet, ce Jusqu'à la garde nous réserve énormément de moments d'oppression avec des scènes sans musique créant ainsi une atmosphère de réel malaise.
Le caractère très réaliste de ce long métrage est d'ailleurs du à la superbe performance des acteurs.
Il faut tout de même donner une mention spéciale pour Denis Minochet qui nous fait parfois retenir notre respiration avec notamment les superbes scènes en voiture et surtout les 30 dernières minutes du film. En effet, la fin du film est marquante, abrutissante, choquante, terrassante.
Tout comme les personnages à l'écran, on ne ressort pas indemne de la salle de cinéma après avoir subi la dernière séquence finale.

La peur et l'angoisse à leur paroxysme


Spoil :

La mère, Miriam Besson, organise l'anniversaire de sa fille dans la dernière partie du film.
Le réalisateur nous livre un magnifique plan séquence en filmant la salle des fêtes d'une drôle de manière. La caméra capte seulement les réactions des visages des personnages mais pas ce qu'ils se disent à cause du bruit de la musique. On sent donc qu'il se passe quelque chose d'embêtant mais nous sommes pas au courant de la cause. C'est une scène intéressante qui prépare bien le reste du film.

Il y a ensuite la première scène de violence dans laquelle le père, Antoine Besson, vient déposer un cadeau pour sa fille et en profite pour agresser son ex femme. Le pire arrive ensuite. 
Miriam et Julien vont se coucher dans leur appartement et malheureusement Antoine sonne à l'interphone. Plongés dans le noir complet, Julien et Miriam vont vivre le pire moment de leur vie. Muni d'un fusil de chasse, Antoine tente de rentrer dans l'appartement par tous les moyens. S'en suit alors des coups de fusil de chasse dans la porte, l'arrivée de la police etc.
Grâce à la magnifique réalisation de Legrand, le spectateur ressent lui-même cette oppression et la peur qu'Antoine nous transmet à travers sa folie et sa violence. Le style de cette séquence est un mélange entre le thriller et le film d'horreur avec le concept de "traque" très utilisé dans ce genre de film. Ce final nous bouleverse complètement et nous fait passer par toutes les émotions. 


En clair, le film fait place au réalisme pur et a réussi à traiter plusieurs thèmes majeurs de notre société actuelle comme l'harcèlement, la mauvaise justice, les mensonges, les dommages collatéraux du divorce. Certes le film est dur à regarder mais il est criant de vérité.
Une vérité qui frappe de nombreux foyers et qui détruisent des familles à petit feu.

Note : 9,5/10

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